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31 octobre 2014

la légende de la mort, anatole Le Braz

En Bretagne, la Toussaint marquait davantage la fête des trépassés que celle de tous les saints.Dans ce pays, où " le séjour des morts se confond avec celui des vivants" selon anatole Le Braz, la Toussaint célèbre les âmes des disparus, des trépassés et ces êtres d'outre tombe que l'on désignent sous le nom de :" ann anaon", les âmes.

Dans la commune de Plougastel, il est une tradition toujours vivante et actuelle, celle de l'arbre à pommes (le Gwezenn an Anaon).Tradition qui se déroule chaque année le jour de la Toussaint dans une des chapelles de Plougastel.Il est dit que cette tradition remonte à la nuit des temps, sans doute héritée des Celtes.

l'arbre à pommes

l'arbre à pommes

L'arbre représentait le savoir pour les druides,les pommes étaient supposées être les fruits de la connaissance apportant l'immortalité.

Cette tradition rassemble les habitants du "Breuriez" (c'est un regroupement de villages,autrefois 26 villages qui se réunissaient pour rendre homages aux morts). L'arbre peint sera piqué de pommes au nombre de 33, toujours un nombre impaire.lL'arbre est fait à partir d'un petit sapin dont seules quelques grandes branches sont gardées, sur lesquelles se  trouveront les pommes.Autour de nombreux chants et prières, après 3 tours dans l'assistance, l'arbre est mis aux enchères. L'argent récoltés servira aux messes des défunts de l'année.L'arbre sera conservé une année par une personne.Ctte personne qui l'a acquis devra l'année suivante dresser une table avec des pains et des fruits. C'est une façon pour de nombreux habitants de conserver leurs racinesen gardant un lien avec le passé.

La raison de ce rite se trouve surement dans le rapport entre la société des vivants et celle des morts.Anatole Le Braz écrit "pour lui, comme pour les Celtes primitifs, la mort est moins un changement de condition qu'un voyage,un départ pour un autre monde".

Revenons à Anatole Le Braz, il est né le 2 avril 1859 à Dauault dans les côtes d'armor.Fils d'un instituteur de campagne, il passa son temps à Ploumilliou et s'initia au latin avec le recteur de la paroisse, messire Villiers de l'isle adam appelé le poête de l'Ankou.

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acte de naissance de anatolr Le Braz

Interne au lycé de St Brieuc qui porte actuellement son nom, il prépara  p)ar la suite une licence de lettres, puis une agrégation de philosophie en Sorbonne. Professeur de philosophie au collége d'Etampes, il devient professeur de lettres au lycé de Quimper pendant les 14 années suivantes.Maître de conférence et professeur à la faculté de Rennes de 1901 à 1924, il s'en alla à Menton où il décéda le 20 mars 1926.

 

anatole le braz 1859

 

 

anatole le braz 1890

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

A Quimper, il collecte des chansons populaires bretonnes avec françois Luzel et fera des enquêtes auprès des paysans et des marins de Bretagne, récoltant aussi des contes et légendes populaires.Ainsi de cette quêtte infatigable naîtra en outre en 1893, le livre "la légende de la mort en Basse Bretagne". Une grande partie des récits receuillis dans la réunions de ces témoignages, viennent de beddeaux, sacristains, fossoyeurs, mendiants, ou de femmes qui exerçaient le curieux métiers de "pélerines par procuration",allanr d'endroit en endroit pour solliciter des guerisons ou acquiter des voeux faits par d'autres qui s'en trouvaient empêchés.Professionnellement, ils vivaient dans une atmosphère qui était propice à certaines affabulations et leur manière de penser les disposaient à l'interprétation surnatuerlle de certains faits qui auraient pu peut être expliqués plus simplement d'une manière rationnelles.De même, les tailleurs, fileuse et colporteurs de toutes sortes qui parcouraient le pays assuraient ces récits oraux à travers les cantons  et qui souvent étaient repris aucours des veillées du soir auprès de l'âtre.

Le Braz à saint servais

Le Braz dans une famille bretonne

 

 Afin de vous faire partager ce livre " la légnde de la mort", voici deux passages qui nous mettent en présence de l'Ankou. On l'appelle aussi "le gars à la faux ou le grand valet". C'est le moissonneur et le charretier de la mort. Il y en a un par paroisse et en général c'est le dernier mort de l'année.Il est armé d'une faux emmanché à l'envers.Son visage est dissimulé sous un large chapeau et il se tient debout sur un char grinçant et lourd ,tiré par un cheval décharné,où il empile sa récolte de cadavres.Grand et maigre, c'est une figure qu'il  vaut mieux ne pas rencontrer.

L'histoire du forgeron (conté par Marie-Louise Daniel de Ploumilliau) :

"Fanch ar Floc'h étair forgeron à Ploumilliau.Comme c'était un artisan modèle, il avait toujours plus de travail qu'il n'en pouvait exécuter.C'est ainsi qu'une certaine veille de Noël, il dit à sa femme après le souper: -Il faudra que tu ailles seule à la messe de minuit avec les enfants, moi, je ne serai jamais prêt à t'accompagner. J'ai encore une paire de roue à ferrer, que j'ai promis de livrer demain matin, sans faute, et, lorsque j'aurai fini, c'est ma foi, de mon lit que j'aurai surtout besoin.

A quoi sa femme répondit : -Tâche au moins que la cloche de l'Elévation ne te trouve pas encore travaillant.- Oh! fit-il à ce moment-là, j'aurai déjà la tête sur l'oreiller.

Et, sur ce, il retourna à son enclume, tandis que sa femme apprêtait les enfants et s'apprêtait ell-même pour se rendre au bourg, éloigné de près d'une lieue,afin d'y entendre la messe. Le temps était clair et piquant,avec un peu de givre.Quand la troupe s'ébranla, Fanch lui souhaitaa bien du plaisir.- Nous pierons pour toi, dit la femme, mais souviens-toi, de ton côté, de ne pas dépasser l'heure sainte. - Non, non. Tu peux être tranquille.

Il se mit à battre le fer avec ardeur, tout en sifflotant une chanson, comme c'était son habitude, quand il voulait se donner du coeur à l'ouvrage. Le temps s'use vite, lorsqu'on besogne ferme. Fanch ar Floc'h ne le sentit pas s'écouler. Puis, il faut croire que le bruit de son marteau sur l'enclume l'empêcha d'entendre la sonnerie lointaine des carillons de Noël, quoiqu'il eût ouvert une des lucarnes de la forge. En tout cas, l'heure de l'Elévation était passée, qu'il travailait encore. Tout à coup, la porte grinça sur ses gonds.

Etonné, Fanch ar Floc'h demeura , le marteau suspendu, et regarda qui entrait. -Salut ! dit une voix stridente. -Salut ! répondit Fanch.

Et il dévisagea le visiteur, mais réussir à distinguer ses traits que les larges bords rabattus d'un chapeau de feutre rejetaient dans l'ombre. C'était un homme de haute taille, le dos un peu voûté, habillé à la mode ancienne, avec une veste à longues basques et des braies nouées au-dessus du genou. Il reprit, après un court silence: - J'ai vu de la lumière chez vous, et je suis entré, car j'ai le plus pressant besoin de vos services. - Sapristi ! dit Fanch, vous tombez mal, car j'ai encore à finir de ferrer cette roue, et je ne veux pas, en bon chrétien, que la cloche de l'Elévation me surprenne au travail.-Oh ! fit l'homme, avec un ricannement étrange, il y a plus d'un quart d'heure que la cloche de l'Elévation a tinté.-Ce n'est pas Dieu possible ! s'écria le forgeron en laissant tomber son martrau. - Si fait ! repartit l'inconnu. Ainsi que vous travailliez un peu plus, un peu moins !... D'autant que ce n'est pas ce que j'ai à vous demander qui vous retardera beaucoup; il s'agit que d'un clou à river.

En parlant de la sorte, il exhiba une large faux, dont il avait jusqu'alors caché le fer derrière ses épaules, ne laissant apercevoir que le manche, que Fanch ar Floc'h avait au premier aspect pris pour un bâton. -Voyez, continua-t-il, elle branle un peu, vous aurez vite fait de la consolider. - Mon Dieu, oui ! Si ce n'est que cela, répondit Fanch, je veux bien.

L'homme s'exprimait, d'ailleurs, d'une voix impérieuse qui ne souffrait point de refus.Il posa lui-même le fer de la faux sur l'enclume. - Eh ! mais il set emmanché à rebours, votre outil ! observa le forgeron. Le tranchant est en dehors ! Quel est le maladroit qui a fait ce bel ouvrage ? - Ne vous inquiétez pas de cela, dit sévèrement l'homme. Il y a faux et faux. Laissez celle-ci comme elle est et contentez-vous de la bien fixer. - A votre gré, marmonna Fanch ar Floc'h à qui le ton du personnage ne plaisait quà demi.

Et, en un tour de main, il eut rivé un autre clou à la place de celui qui manquait. -Maintenant, je vais vous payer, dit l'homme. - Oh ! ça ne vaut pas qu'on en parle. - Si, tout travail mérite salaire. Je ne vous donnerai pas d'argent, Fanch ar Floc'h, mais, ce qui a plus de prix que l'argent et que l'or, un bon avertissement. Allez vous coucher, pensez à votre fin, et, lorsque votre femme rentrera, commandez-lui de retournez au bourg vous chercher un prêtre. Le travail que vous venez de faire pour moi est le dernier que vous ferez de votre vie. Kénavô ! (au revoir).

L'homme à la faux disparut. Déjà Fanch ar Floc'h sentit ses jambes se dérober sous lui, il n'eut que la force de gagner son lit où sa femme le trouva suant les angoisses de la mort. - Rtetourne, lui dit-il, me chercher un prêtre.

Au chant du coq, il rendit l'âme, pour avoir forgé la faux de l'Ankou.

La route barrée : (conté par un maçon de Callac)

Trois jeunes gens, les trois frères Guissouarn, du village de l'Enès, en Callac, revenaient d'une veillée d'hiver dans une ferme assez éloignée de chez eux. Pour rentrer, ils avaient à suivre quelque temps l'ancienne voie royale de Guingamp à Carhaix. Il faisait temps sec et claire lune, mais le vent d'est soufflait avec violence. Nos gars, que le cidre avait égayés, chantaient à tue-tête, s'amusaient à faire résonner leurs voix plus fort que le vent.

Soudain, ils virent quelque chose de noir au bord de la douve. C'était un vieux sécot de chêne que la tempête avait dérachiné du talus. Yves Guissouarn, le plus jeune des trois frères, qui avait l'esprit enclin à la malice, imagina un bon tour.

- Savez-vous , dit-il, nous allons traîner cet arbre en travers de la route, et ma fois, s'il survient quelque roulier après nous, il faudra bien qu'il descende de voiture pour déplacer l'arbre, s'il veut passer. - Oui, ça lui fera faire de beaux jurons, acquiescèrent les deux autres.

Et les voilà de traîner le sécot de chêne en travers du chemin. Puis, tous joyeux d'avoir inventé cette farce, ils gagnèrent le logis. Ils ne couchaient pas dans la maison. Pour être à portée de soigner les bêtes, tous trois avaient leurs lits dans la crèche aux chevaux. Comme ils avaient veillé assez tard et qu'ils avaient en plus la fatigue d'une journée de travail, ils furent pas longs à s'endormir. Mais, au plus profond de leur premier somme, ils furent réveillés en sursaut. On heurtait avec bruit à l'huis de l'étable.

- Qu'est-ce qu'il y a ? demandèrent-ils en sautant à bas de leurs couchettes. Celui qui frappait se contenta de heurter à nouveau, sans répondre. Alors, l'aîné des Guissouarn courut à la porte et l'ouvrit toute grande. Il ne vit que la nuit claire, n'entendit que la grosse haleine du vent. Il essaya de refermer la porte, mais ne put. Les forces de ses frères réunies aux siennes ne purent pas davantage. Alors, ils furent saisis du tremblement de la peur et dirent d'un ton suppliant :

- Au nom de Dieu, parlez ! Qui êtes-vous etqu'est-ce qu'il vous faut ? Rien ne se montra, mais une voix sourde se fit entendre, qui disait : 6 Quis je suis, vous l'apprendrez à vos dépens si, tout à l'heure, l'arbre que vous avez mis en travers de la route n'est pas rangé contre le talus. Voilà ce qu'il faut. Venez.

Il allèrent tels qu'ils étaient, c'est-à-dire à moitié nus, et confessèrent par la suite qu'ils avaient même pas senti le froid, tant l'épouvante les possédait tout entiers. Quand ils arrivèrent près du corps de l'arbre, ils virent qu'une charette étrange, basse sur roues, attelée de chevaux sans harnais, attendait de pouvoir passer. Croyez qu'ils eurent tôt fait de replacer le sécot de chêne à l'endroit où ils l'avaient trouvé abattu.

Et l'Ankou- car c'était lui- toucha ses bêtes, en disant : - Parce que vous aviez barré la route, vous m'avez fait perdre une heure, c'est une heure que chacun de vous me devra. Et si vous n'aviez pas obéi incontinent à mon injonction, vous m'auriez dû autant d'années de votre vie que l'arbre serait resté de minutes en travers de mon chemin.

Un dernier conte, après la mort :

L'histoire du bedeau de Névez

Autrefois, dans les petits villages, c'était toujours le bedeau qui devait mettre les morts au cercueil. Le bedeau du bourg de Névez, un jour qu'il venait de remplir cet office, s'en retournait à l'église, afin de tout disposer pour l'enterrement, lorsque, sur la barrière d'un champ, au bord de la route, il aperçut un homme assis, vêtu de ses hardes du dimanche.

-Bonjour, camarade Jean-Louis, dit l'homme, en levant la tête qu'il avait d'abord tenue baissée. - Comment, s'écria le bedeau stupéfait, c'est vous qui êtes là, Joachim Lasbleiz !

C'est précisément le mort qu'il avait enfermé dans sa bière, quelques minutes auparavant, après lui avoir passé ses effets les plus propres.

- Oui, c'est bien moi, répartit Lasbleiz. Je suis venu te guetter ici, pour t'avertir qu'il faut que tu recommences incontiment ta besogne. - Vous n'étiez donc pas bien, tel que je vous avais mis ? - Non, tu as replié mon bras gauche sous mon corps, je ne peux pas m'en aller dans cette posture.

Ce disant, il disparut. Le bedeau rebroussa chemin et, au grand scandale de la famille, rouvrit le cerceuil. Ce que Lasbleiz avait dit était vrai, le bras gauche était replié sous le corps. Le bedeau remit les choses en ordre et se dirigea de nouveau vers le bourg. Comme il passait devant la barrière, il vit que le défunt était encore là, mais debout, cette fois, et la tête haute.

- Aurais-je commis quelque autre manquement ? se demanda le bnedeau. Mais non, le mort se contenta de lui faire un signe de la main, comme pour prendre congé. - Dieu vous donne ses joies ! dit le bedeau, en se découvrant. Et ce fut tout !

Des générations ont passé et les contes bretons ont un peu perdu leur pouvoir d'enchantement. Malgré tout,même s'ils  demeurent  un certain divertissement , peut être représentent-ils cette connexion entre ces deux mondes à la quelles nos ancêtres étaient très attachés. Cela me fait penser à Bernanos qui écrivait : "Il n'y a pas un royaume des vivants et un royaume des morts, il y a un seul royaume de Dieu et nous sommes tous dedans".

sources : le livre "la légende de la mort" de anatole Le Braz (édition Alpina de 1958

G. Chapalain

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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